5.06.2010

III Elevacion. Les Fleurs du Mal. Charles Baudelaire

Por encima de los lagos, por encima de los valles,
De las montañas, de los bosques, de las nubes, de los mares,
Allende el sol, allende lo etéreo,
Allende los confines de las esferas estrelladas,

Mi espíritu, tú me mueves con agilidad,
Y, como un buen nadador que desfallece en la onda,
Tú surcas alegremente la inmensidad profunda
Con una indecible y máscula voluptuosidad.

¡Vuela muy lejos de esas miasmas mórbidas,
Ve a purificarte en el aire superior,
Y bebe, como un puro y divino licor,
La luminosidad que colma los espacios límpidos!

Detrás del tedio y los grandes pesares
Que abruman con su peso la existencia brumosa,
Dichoso aquel que puede con ala vigorosa
Arrojarse hacia los campos luminosos y serenos;

¡Aquel cuyos pensamientos, cual alondras,
Hacia los cielos matutinos tienden un libre vuelo!
¡Que se cierna sobre la vida, y alcance sin esfuerzo
El lenguaje de las flores y de las cosas mudas!

III – Élévation


Au-dessus des étangs, au-dessus des vallées,
Des montagnes, des bois, des nuages, des mers,
Par delà le soleil, par delà les éthers,
Par delà les confins des sphères étoilées,

Mon esprit, tu te meus avec agilité,
Et, comme un bon nageur qui se pâme dans l’onde,
Tu sillonnes gaiement l’immensité profonde
Avec une indicible et mâle volupté.

Envole-toi bien loin de ces miasmes morbides ;
Va te purifier dans l’air supérieur,
Et bois, comme une pure et divine liqueur,
Le feu clair qui remplit les espaces limpides.

Derrière les ennuis et les vastes chagrins
Qui chargent de leur poids l’existence brumeuse,
Heureux celui qui peut d’une aile vigoureuse
S’élancer vers les champs lumineux et sereins ;

Celui dont les pensers, comme des alouettes,
Vers les cieux le matin prennent un libre essor, –
Qui plane sur la vie, et comprend sans effort
Le langage des fleurs et des choses muettes !

Charles Baudelaire
LES FLEURS DU MAL